Quillan est décidément la ville des conceptions démesurées : après le projet, fin XVIIe - début XVIIIe, d'un autre "Canal du Midi", dans l'immédiat après-guerre germe l'idée d'une "super station thermale" implantée sur la commune et qui serait même équipée "de funiculaires pour accéder sur les monts" ! On en trouve trace dans le Guide du tourisme dans l'Aude numéro I (1) :
Centre thermal, Quillan est appelé à un grand avenir ; à ses portes, Ginoles, au creux d'un vallon, au pied des monts, laisse couler ses sources abondantes dans de modernes piscines, eaux dont l'efficacité est de la valeur, pour le foie et pour les reins, de Vichy et de Contrexeville. Un projet audacieux et grandiose serait de capter toutes les eaux thermales du bassin hydrologique très riche de Quillan (Rennes, Campagne, Escouloubre, etc.) et de concentrer ces sources à Quillan qui deviendrait une station thermale souveraine ; ce serait la station panacée qui guérirait rhumatismes, arthrite, algies, foie, estomac, nez, gorge, larynx ; cette grande station thermale serait équipée d'hôtels, de casino, de funiculaires pour accéder sur les monts ; ce projet très hardi qui est à l'étude à sa chance de réalisation. D'autant que Quillan peut et sait recevoir et mérite sa bonne renommée hôtelière avec une cuisine de tradition fort appréciée, truites, foies gras, confits, gibiers et les divers champignons de la forêt : roussillous, cèpes, oronges, chanterelles, etc...
Enfin, Quillan blottie dans sa conque est abritée de tous les vents ; les monts aux silhouettes accusées font un écran de protection et organisent un décor de montagnes agrestes ; le climat est si tempéré que ses fruits, et en particulier ses figues, ont une grande renommée ; ses combes produisaient même, au temps du Baron Trouvé, de l'huile d'olive. On le voit, l'avenir de Quillan touristique, thermale, climatique s'ouvre grand et prospère.
En 2012, André Marcel (2) nous parle de ce projet et apporte quelques informations complémentaires :
La Deuxième Guerre mondiale va avoir pour conséquence une nouvelle mise en sommeil du centre de tourisme qui ne reprendra ses activités qu'en 1946. C'est alors que naît le projet "Quillan-bi-thermal" envisageant la création d'un complexe thermal à Carach avec amenée des eaux d'Escouloubre, Ginoles et autres stations thermales de la région. Si ce projet ne vit jamais le jour, il deviendra au fil des ans une pseudo quillanade et fera même l'objet d'un thème de sortie et de déguisement du Carnaval de Quillan (3).
Non seulement ce projet monumental n'a jamais abouti, mais en plus l'inverse s'est produit, les stations thermales de l'Aude fermant leurs portes les unes après les autres : Campagne-les-Bains avait déjà cessé son activité depuis plus de 20 ans, et Ginoles, Escouloubre, Carcanières et Usson-les-Bains fermeront à leur tour. Reste seulement, encore aujourd'hui, la station de Rennes-les-Bains.
La super station thermale de Quillan et ses funiculaires permettant un pied direct au Pays de Sault ne resteront qu'un mirage, un rêve effacé du passé, sans avenir aucun, tout comme le projet du Canal du Roussillon près de 250 ans plus tôt.
Tony BONTEMPI - 28 juillet 2025
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(1) Guide du tourisme dans l'Aude numéro I, édition 1947, publié sous le patronage du Syndicat d'Initiative de l'Aude, texte de Jean Girou, Éditions de Propagande Française.
(2) Quillan, capitale de la Haute-Vallée de l'Aude et du Piémont Pyrénéen Audois - Histoire populaire d'André Marcel, 2012.
(3) André Marcel donne en note de bas de page la référence suivante : Quillan Informations n° 32.
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