mardi 15 juin 2021

1853, renseignements sur la fabrication du pain à Castelnaudary (?)

Adressée au sous-préfet de l'Aude le 20 décembre 1853, la lettre suivante répond à une enquête concernant la fabrication du pain. 

Du 20 Xbre 1853

Monsieur le Sous Préfet,

En réponse à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 15 Xbre courant, pour me demander des renseignements sur la fabrication du pain dans notre commune, voici le résultat des calculs que j'ai fait opérer pour satisfaire approximativement aux trois questions qu'elle renferme :

1) Le nombre approximatif d'habitants qui fabriquent et cuisent leur pain eux-mêmes est de 1186   

Cette première opération a été basée sur l'existence positive 21 fours dans la ville et approximative de 130 fours dans la banlieue. 297 chefs de ménages environ pétrissent et cuisent leur pain dans ces fours et on peut évaluer que chaque ménage de cette catégorie est composé de 4 personnes.

2) le nombre de ceux qui manipulent leur pain eux-mêmes, mais qui le font cuire au dehors moyennant rétribution est ainsi représenté : savoir 630 chefs de ménage soit 2520 habitants à 4 personnes par ménage ci 2520

3) le nombre de ceux qui achètent leur pain chez les boulangers peut être ainsi évalué :

1200 chefs de ménage à 5 personnes par ménage soit d'habitants 6004

Chiffre égal au chiffre officiel de la population de la commune 9712

 


 

 

L'enquête est faite à la demande des autorités officielles et concerne ici une ville en particulier. Certainement, cette enquête aura été étendue à toutes les communes du département, en tout cas on peut le penser, mais nous ne disposons que de ce seul document.  

Par ailleurs, la finalité d'un tel document pose question, mais il entre sans doute dans le contexte de l'époque et des débats récurrents sur la taxe du pain. Un article de la Revue des deux mondes nous apprend que la profession de boulanger était alors strictement réglementée, et leur nombre autorisé était en rapport avec le nombre d'habitants. Voici ce que l'on peut lire précisément dans cette revue :

 

Sous le second empire, le régime des règlemens parvint au plus haut point de complication. Un boulanger était un agent de l’état presque au même titre qu’un débitant de tabac. Le nombre des boulangers restait limité provisoirement à six cent un : il pouvait augmenter de façon à ce qu’il y eût toujours un boulanger pour 1800 habitans. Un décret impérial du 27 décembre 1853 (1) créa la caisse de la boulangerie, destinée à un double usage. D’abord tous les achats de blés ou de farine étaient soldés par elle, moyennant un crédit ouvert à chaque boulanger. Ensuite, quand le prix du pain, déterminé par la mercuriale, excédait le prix fixé dans la taxe municipale elle avançait la différence aux boulangers ; elle comblait le déficit. En revanche, s’il y avait excédent, les boulangers devaient le rapporter à la caisse, pour la couvrir de ses avances. En somme, le système de compensation, grâce auquel le prix du pain devait rester à peu près constant, ne reposait plus, comme sous le Premier Empire, sur le crédit personnel des boulangers ; la caisse commune devait les aider à passer les mauvais jours, et recouvrer ses avances dans les temps de prospérité. C’était une sorte de caisse d’assurance contre la cherté des grains (2). 

 

Pour revenir à la lettre, on notera aussi qu'aucun nom de lieu n'est indiqué dans celle-ci, le département de l'Aude n'étant même pas cité ; il pourrait s'agir de n'importe quelle ville de France comportant environ 10000 habitants dans les années 1850. Toutefois, quelques éléments laissent supposer que la ville concernée est Castelnaudary.

Premièrement, ce courrier provient d'un petit lot d'environ cinq documents concernant tous l'Aude, et dont deux au moins citent la ville de Castelnaudary.

Deuxièmement, un dictionnaire des communes (3) publié en 1864 donne 9584 habitants pour Castelnaudary, chiffre très proche de celui indiqué dans la lettre. Par ailleurs, si l'on compare avec le nombre d'habitants dans les autres "grandes" villes du département, à partir du même dictionnaire, aucune ne possède alors un chiffre approchant (Carcassonne dépasse les 20000 habitants, Narbonne en a un peu plus de 16000, Lézignan seulement 3016 et Limoux n'atteint pas les 7000).

Il serait certainement intéressant de découvrir d'autres documents en rapport avec ces enquêtes sur la fabrication du pain, afin d'en préciser le cadre. N'hésitez donc pas à nous transmettre toute information complémentaire liée à cet article !


N. B. Vous êtes intéressé par cet article et vous voudriez l'utiliser en tout ou en partie pour une publication papier ou numérique ? Merci de m'en formuler la demande via la page "contact" (publications libres mais soumises à conditions).

 

(1) On voit que les dates correspondent entre cet article de la Revue des deux mondes et la lettre adressée au sous-préfet de l'Aude : nous sommes donc bien dans le même contexte.

(2) Revue des deux mondes, tome 68, 1885, "La taxe du pain" par Denys Cochin.

(3) Dictionnaire portatif et complet des communes de la France, de l'Algérie et des autres colonies françaises précédé de tableaux synoptiques et suivi d'une carte de la France, de M. Gindre de Mancy, Paris, Garnier Frères, 1864.

 

 

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