mardi 15 juin 2021

Des événements révolutionnaires dramatiques à Castelnau d'Aude

Les événements ci-après sont décrits dans une gazette de 1791 (1) et concernent des faits dramatiques ayant eu lieu dans la petite commune de Castelnau d'Aude, au nord de Lézignan. 


Le 16 de ce mois, vers les sept heures du matin, à Castelnau, département de l'Aude, quatre gardes nationaux chantoient l'air ç'a ira, ç'a ira (sic). Passoient en ce moment deux ci-devant gentilshommes, les sieurs Belude, (les mêmes qui, dans le mois de décembre dernier, étoient de l'attroupement de Saint-Cyprien, où ils assassinèrent trois laboureurs). Fatigués d'entendre chanter par-tout ce refrain désespérant, l'un d'eux s'approche d'un officier de la garde nationale qui passoit sur la place, à la tête d'un détachement, et lui ordonne insolemment de faire taire les chanteurs ; l'officier répond qu'ils ne font point de mal, et qu'il n'a pas le droit de leur imposer silence. Alors Belude met l'épée à la main, saisit l'officier, et sans lui donner le temps de se mettre sur la défensive, il lui porte un coup qui le blesse au visage ; aussi-tôt les soldats se précipitent pour défendre leur officier ; les deux Belude, car le second avoit joint son frère, sont forcés de fuir ; ils se sauvent dans leur maison où ils se retranchent avec un domestique ; et là, armés de fusils et de pistolets, ils tuent plusieurs citoyens, et en blessent un assez grand nombre. Le peuple entre en fureur ; les scélérats ne se sentant plus en sûreté dans les chambres hautes, descendent dans la cave, et par le soupirail font une nouvelle décharge aussi meurtrière que la première. On veut percer le mur ; le premier garde national qui se présente tombe atteint de 4 coups de fusil. Pour se saisir de ces forcenés, on imagine de glisser une paillasse bien fournie au-devant de la porte de la cave, à l'abri de laquelle on puisse entrer ; mais à l'instant un des Belude la détourne avec le canon de son fusil, et tire un coup de pistolet qui met le feu à la paillasse. L'incendie se communique aussi-tôt à toute la maison ; un des deux frères tente de s'échapper à travers les flammes et les baïonnettes, mais il est arrêté et conduit en prison. Pendant ce temps-là, l'autre Belude s'étoit, par une issue, sauvé dans la cave d'une maison voisine. Son domestique ne l'ayant point apperçue (sic), étoit remonté dans les chambres hautes, d'où il tiroit encore quelques coups de pistolets, lorsque voyant la maison prête à s'écrouler, il cherche à fuir ; mais à peine est-il sur la porte, que trente fusils le couchent en joue, et le font tomber mort. La maison s'abîme ; cependant le feu pénètre à celle dont la cave étoit occupée par Belude ; déjà elle est embrasée ; il se fait ouverture dans une troisième maison ; l'incendie s'y communique encore ; nouvel écroulement : enfin on croyoit Belude brûlé depuis long-temps, lorsqu'en démolissant pour chercher les corps, on le découvre conservé vivant, comme par miracle, et son premier signe de vie est de lâcher deux coups de pistolet sur les travailleurs ; alors la fureur est à son comble ; on se jette sur lui, et l'instant d'après sa tête étoit au bout d'une pique, et son corps attaché à un arbre. - Le lendemain, on voulut conduire son frère à Cahors, pour être condamné légalement ; mais le peuple n'a pu laisser vivre plus long-temps ce féroce meurtrier ; malgré que la garde fût triplée, il a été enlevé à ceux qui l'escortoient, et les trois têtes ont été promenées...


Combien de temps ont pu durer l'ensemble de ces événements ? Sans doute plusieurs heures si l'on prend en compte l'incendie qui aura touché au moins trois maisons du village. 

Castelnau d'Aude est un village comptant actuellement environ 500 habitants. En 1793, on en comptait presque moitié moins (2). Il paraît inimaginable aujourd'hui que de tels faits aient pu avoir avoir lieu dans cette petite bourgade si tranquille du Minervois. Pourtant les événements révolutionnaires et la période de la Terreur qui suivit ont atteints et durement touchés les habitants de Castelnau comme on peut le constater. 

 

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 (1) Révolutions de Paris, dédiées à la Nation et au district des Petits-Augustins n° 98, troisième année de la Liberté Française, huitième trimestre.

 (2) Source : Wikipédia et Dictionnaire encyclopédique de l'Aude, tome I, de Gérard JEAN, édition 2006.

 

 

 

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